Par Mountchi Gilbert*
Il y a de cela moins de cinq ans, les Lamé n’avaient aucune connaissance, sinon juste approximative de leur passé à cause de l’inexistence des sources écrites et orales fiables. Face à la volonté de s'approprier de leur histoire qui conditionne sans aucun doute leur présent et leur avenir, les fils et filles Lamé se sont mis au travail, chacun à son niveau. Comme résultat : l’on sait aujourd’hui que les Lamé sont l’un des plus anciens peuples d’Afrique. Ils ont vécu dans la région du Lac Tchad bien avant le XVe siècle. Ils ont fondé leur première chefferie au Cameroun plus précisément aux pieds de la chaine montagneuse mont Gumbayré au début XVIe siècle. Ils ont été victorieux face à la conquête peule au XVIIIe siècle et plusieurs autres faits dont nous nous réservons de citer dans cet article.
Si aujourd’hui ces faits sont indiscutables, mais le doute persiste toujours. Ce peuple qui constitue un grand groupe dans les Républiques du Cameroun et du Tchad, vive dans l’anonymat total. Ils sont méconnus de leurs concitoyens respectifs. Par exemple, il vous suffit juste de dire à un compatriote : « je suis Lamé » et vous verrez la peine qu’il aura à prononcer ce nom. A mon humble avis, ceci ne devrait pas poser un problème, car l’on sait que les Etats d’Afrique sont caractérisés par une multiplicité ethnique. Mais si les choses doivent persister jusqu’à sur notre propre sol, c’est inadmissible.
Moins d’une semaine, dans un forum WhatsApp, des frères et sœurs en débattaient de l’omission du peuple Lamé de la liste des groupes ethniques de la commune de Rey Bouba dans le document intitulé Plan Communal de Développement (PCD) de ladite commune. Un territoire où ils y vivent depuis le XVIe siècle et qu’ils sont aujourd’hui majoritaires à plus de 70 %. Ces dernières années, ce sujet a toujours préoccupé plus d’un mais sans aucune solution.
Face à la rage de chacun des intervenants, je me suis proposé en porte-parole d’une lettre pétition à adresser au maire de la localité afin qu’il se prononce sur les raisons pouvant expliquer cet acte grave et inadmissible qui est susceptible de fragiliser la paix sociale dans cet arrondissement.
Sans le savoir, je venais de toucher une ruche d’abeilles. Tous ceux qui étaient virulents au début se sont tus. Et les quelques-uns qui ont soutenu mordicus mon idée, lorsque j’ai essayé de les joindre sont pris de panique.
Qu’est-ce qu’un Plan Communal de Développement (PCD) ?
Elaboré dans les années 2010-2011 sous l’auspice du Programme National de Développement Participatif (PNDB), le PCD est un « document qui ressort les atouts, les potentialités mais aussi les besoins de tous les villages et localités dans une commune dans tous les secteurs de la vie économique et sociale. Il a dans sa première partie, la présentation de la commune sur les plans biophysique, sociologique, historique, géographique et autre » peut-on lire sur le site du PNDB.
Je suis très choqué et outré. Nous faisons honte à nos ancêtres qui ont su défendre bec et ongles leurs territoires face aux conquérants Peuls en l’infligeant une nette défaite. Et aujourd’hui nous avons vendu ces territoires par peur de représailles. Nous avons accepté notre statut d’esclave et nous nous en plaisons bien. Que dirions-nous à nos enfants s’ils nous demandent par exemple, pourquoi bien qu’étant peuple majoritaire (plus de 30 villages) dans l’arrondissement Rey Bouba, les Lamé ne sont pas paradoxalement reconnu ? Pourquoi sur leur propre sol, les Lamé n’ont ni une chefferie de premier degré ni celle de deuxième degré et plus difficilement celle du troisième degré ? Pourquoi sommes-nous étrangers sur notre propre terre ? Difficile de répondre n’est-ce pas ?
La réponse est simple, parce que nous sommes des lâches, nous sommes des dociles, nous sommes des éternels peureux et nous ne nous aimons pas. Entre nous, il n’y a pas d’entente, ni d’entraide. Chacun se plait dans sa situation actuelle. Chacun ne pense qu’à lui.
Et si par hasard, quelqu’un essaie de lever la tête pour faire bouger les lignes, au lieu de lui défendre fraternellement, nous le mettons le bâton dans la roue ou nous l’abandonnons en disant comme toujours « Ha keb wou keb bra ». Nous attendons la venue de Jésus Christ pour nous libérer de l’oppression n’est-ce pas ? Bah ! C’est bien, c’est très bien même.
Je ne suis pas un haineux, ni un tribaliste encore moins un vengeur. Mais je suis pour la défense de la dignité de mon peuple longtemps bafouée. Je veux voir un peuple Lamé respecté et considéré.
En vacances 2013, alors étudiant de deuxième année et en moins de mes vingt ans, quand je suis rentré au village, j’ai trouvé que tous les villageois se plaignaient du comportement ignoble d’un directeur d’école très zélé, qui manquait sérieusement de respect à mes parents (les villageois), y compris au chef. J’ai essayé de me rapprocher de ce dernier mais il m’a ignoré. En tant que leader de l’association des élèves et étudiants et comme d’habitude, nous devons organiser les cours de vacance. Mais malheureusement pour nous, cette fois-ci, le directeur a décidé de nous interdire de travailler au sein de son école, notre école. Et comme il habitait à une trentaine de kilomètre du village, je suis allé à sa rencontre pour qu’on en parle en « homme ». Mais comme toujours animait de zèle, il a refusé tout compromis.
Après cette humiliation, je ne devrais pas laisser cet acte impuni. Directement en quittant de chez lui, je suis allé rencontrer les autorités de l’arrondissement, notamment l’Inspecteur d’arrondissement de l’éducation de Base et le Sous-préfet. Comme de la blague, ces autorités m’ont reçu et m’ont promis de s’y activement atteler. Une semaine après, ce dernier a été affecté. D’aucuns me diront que c’était juste une simple coïncidence. Oui peut-être, mais une chose est certaine, l’honneur de mes parents ont été restauré et les activités de vacance ont pu bel et bien avoir lieu.
Peuple Lamé, n’acceptons pas l’humiliation à notre égard. Battons-nous pour la justice et le respect de notre dignité. Nous sommes un grand. Ensemble, nous pouvons nous imposer respect. La dignité ne s’achète.
En y référant à la méthodologie d’élaboration du PCD citée plus haut, c’est dire qu’il n’y a pas des Lamé à Baikwa, à Béré, à Koinderi, à Dobinga ? Ou bien les auteurs de ce document n’ont pas fait le terrain ? C’est une faute grave et pas professionnelle, qui relèverait soit de l’amateurisme soit de la volonté à discriminer un peuple.
Si nous ne pouvons pas exprimer haut et fort nos frustrations, taisons-nous une fois pour toute. Les lâches n’ont pas droit à la parole. Cessons des verbiages inutiles et agissons.
Je suis toujours pour le rétablissement de la vérité autour de cette affaire. J’espère recevoir le soutien des uns et des autres.
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⃰ Mountchi Gilbert est traducteur principal (anglais – français - langues africaines), historien, rédacteur web, réviseur et relecteur. Il mène de nombreuses recherches sur la langue et culture lamé.
Une triste réalité mon frère. Pour moi, tu es héro solitaire. Je me propose de faire chemin avec toi si je peux t'être utile. Nous sommes un peuple vraiment ignoré. Nous faisons semblant de marcher ensemble alors que nous ne nous suivons pas. Tu es un modèle pour moi.
RépondreSupprimerMerci. Cordialement !
SupprimerJe suis comblé.
RépondreSupprimerSoyez bénis
Triste realité! Mes freres et soeurs faison tous ce qui est a notre pouvoir pour n'es pas laissé immergé notre peuple.
RépondreSupprimerHeureusement que tu es né gars.je suis de ton côté
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